Petit-Rocher, le 9 juillet 2018 –  Dans une série de reportages récents, Radio-Canada a demandé aux politiciens et aux politiciennes qui s’affronteront lors des prochaines élections provinciales d’exposer la position de leur parti sur cinq thèmes qui touchent de près les citoyens et les citoyennes du Nouveau‑Brunswick. Plus tôt cette semaine, notre diffuseur national a braqué les projecteurs sur un enjeu qui risque de faire couler beaucoup d’encre lors de la prochaine période électorale : la question des langues officielles.

Lorsqu’interrogé, chaque candidat a choisi de mettre l’accent sur différents aspects du dossier. Tous ont réaffirmé, à différents degrés, l’importance du bilinguisme, surtout en ce qui concerne l’accès à des services gouvernementaux dans sa langue. À vrai dire, les réponses des partis de l’opposition n’avaient rien de surprenant, surtout en période préélectorale où tous et toutes cherchent à séduire les électeurs de la province.

Toutefois, s’il y a un politicien qui a bien surpris par sa défense des langues officielles, c’est le premier ministre, Brian Gallant. Lors de son entrevue, monsieur Gallant a affirmé que le Nouveau-Brunswick est « sur la bonne voie », qu’il est « important de se tenir debout pour les langues officielles » et que son gouvernement va tout faire pour améliorer l’application de la Loi sur les langues officielles s’il est réélu. Du point de vue de la SANB, défendre les langues officielles lors d’une entrevue préélectorale c’est une chose ; les défendre concrètement une fois au pouvoir, sans prétexte électoraliste, c’en est toute une autre.

Donc, après quatre ans au pouvoir, qu’en est-il du bilan du gouvernement actuel en matière de langues officielles ?

D’abord, il est clair que la stratégie politique des libéraux depuis la dernière élection a été d’éviter complètement la question des langues officielles dans la sphère publique. Cette stratégie a sans doute été conçue pour éviter la perception que ce gouvernement à forte proportion acadienne gouvernerait surtout pour les francophones de la province. Toutefois, en agissant ainsi, le gouvernement crée plutôt l’impression inverse, soit qu’il néglige la population acadienne et francophone, tout en tenant son vote pour acquis.

D’ailleurs, l’incapacité du gouvernement de réaffirmer publiquement et sans équivoque l’importance des langues officielles face aux discours anti-bilinguisme qui se multiplient dans les derniers mois laisse un vide qui donne effectivement un laissez-passer à ceux qui prêchent le recul du fait français dans notre province. Ici, on pense notamment aux récents propos de Blain Higgs sur le bilinguisme et les « qualifications professionnelles », ainsi qu’à la montée du People’s Alliance of New-Brunswick, un parti ouvertement anti-dualité qui a de fortes chances à remporter au moins un siège lors des prochaines élections. Il aurait été facile pour le premier ministre de dénoncer les propos de Higgs et d’Austin tout simplement en réaffirmant le statu quo. Toutefois, en négligeant d’offrir un contre-discours, le premier ministre permet au discours de Higgs, Austin et compagnie de prendre racine sans entrave aucune.

Enfin, lors de son entrevue, monsieur Gallant a également parlé de l’importance du rapport annuel de la commissaire aux langues officielles. Cependant, dans sa chronique du 25 juin, Pascal Raiche-Nogue de l’Acadie Nouvelle révélait que le ministre responsable des langues officielles, lorsqu’interrogé, n’avait pas pris connaissance du contenu du dernier rapport de la commissaire, et ce plus de six heures après qu’il y avait eu accès. On parle du ministre responsable des langues officielles! Il faut croire que le rapport de la commissaire gagne magiquement en importance lors d’une entrevue préélectorale…

Voilà quelques exemples récents. Monsieur Gallant est premier ministre de notre province depuis quatre ans. Depuis son élection, le gouvernement provincial a privatisé le programme Extra-Mural, sabré le budget de la commissaire aux langues officielles, négligé de défendre publiquement les acquis des francophones et j’en passe. Quand Brian Gallant parle « de gains réels » en matière de langues officielles depuis son élection, est‑ce bien de cela qu’il parle ?

Selon les lois de la province, le dossier des langues officielles est censé relever directement du bureau du premier ministre. Si Brian Gallant souhaite « jouer un rôle de leader » en matière de langues officielles, il est grand temps qu’il mette la main à la pâte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer à respecter le travail de la commissaire aux langues officielles, d’écouter à ses recommandations et de mettre sur pied un Secrétariat des langues officielles.

Cela dit, il reste trois mois avant l’élection de cet automne. Si Brian souhaite réellement être un champion des langues officielles, comme le disent si bien nos amis anglophones, it’s now or never.

 

Robert Melanson

Président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick

 

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