Autobus scolaires : La dualité remise en question
Autobus scolaires :
La dualité remise en question
PETIT-ROCHER, le 30 mars 2015 – L’autobus scolaire bilingue peut contribuer à renforcer l’assimilation des élèves.
Partager tous les jours un autobus scolaire avec des élèves anglophones peut paraître un geste anodin pour celles et ceux qui ne comprennent pas l’impact sournois de ces expériences dans le quotidien des enfants qui vivent en milieu linguistique minoritaire au Canada. Je dirais même que cela peut être perçu par plusieurs comme un moyen de rapprochement entre les deux communautés linguistiques de la province.
Toutefois, la réalité est tout autre au Nouveau-Brunswick comme ailleurs dans d’autres provinces canadiennes excluant le Québec. Seule province officiellement bilingue au Canada, le Nouveau-Brunswick est celle qui comprend la plus grande proportion de francophones, soit un tiers de la population. Or, l’école francophone doit tout mettre en œuvre pour contrer les forces assimilatrices qui agissent sur nos enfants. Elle doit, à bien des égards, construire ou reconstruire l’identité de nombreux élèves acadiens et francophones notamment chez les élèves qui vivent dans les centres urbains ou à proximité de ceux-ci. Avant même d’arriver à l’école, beaucoup de jeunes enfants avaient déjà appris que la langue dominante et la plus valorisée dans leur communauté et au Nouveau-Brunswick est l’anglais. L’exogamie ou les mariages mixtes constituent une autre réalité pour bon nombre d’enfants issus de ces familles, ce qui amplifie encore le problème d’assimilation dans les communautés à dominance anglophone. En effet, avec le temps, elles et ils utilisent l’anglais comme langue de communication, entre autres, au foyer, à l’extérieur du foyer et dans les médias sociaux. Pour contrer les forces assimilatrices contre nos enfants, l’école francophone rencontre des défis importants et doit redoubler d’efforts. Si elle veut renverser la tendance et accompagner nos enfants vers la réussite éducative, sociale et linguistique, elle doit avoir accès à des ressources additionnelles.
Au cours des dernières décennies, la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick a travaillé fort pour faire enchâsser les droits de la minorité linguistique dans la Constitution canadienne. L’article 23 accorde aux parents francophones qui vivent en contexte linguistique minoritaire des droits d’accès à l’éducation en français pour leurs enfants. De plus, les nombreuses contestations juridiques menées au Canada ont permis d’établir une jurisprudence qui définit plus largement cet article en précisant que l’accès à une éducation dans sa langue comprend l’ensemble des expériences que vivent les enfants à l’école, incluant celles qui lui sont associées de près ou de loin, comme les déplacements en autobus. Ces expériences contribuent à la construction identitaire de leurs enfants.
Or, pour les gens qui souhaitent faire des économies en réduisant les expériences positives avec la langue des élèves francophones, la communauté acadienne et francophone continuera à s’opposer à de telles pratiques. Nous avons compris depuis longtemps que lorsque des francophones sont en présence d’un seul anglophone qui ne comprend pas le français, la tendance est de parler en anglais, langue que la communauté acadienne et francophone a bien appris au cours de leur vie. Les Acadiennes et Acadiens ont la réputation d’être assez accommodants et accueillants ce qui n’est pas un défaut en soi, mais dans un contexte linguistique, ce comportement le devient pour bon nombre d’entre eux. Trois institutions contribuent à la socialisation d’un enfant : la famille, l’école et la communauté. Or, vivre dans un contexte dominé par l’anglais fait en sorte que ces enfants acadiens et francophones ont souvent acquis des habitudes et des réflexes qui sont difficiles à changer. En plus des droits acquis, les nombreuses études scientifiques réalisées depuis les dernières années ont permis de bien comprendre la problématique. C’est pourquoi la communauté acadienne et francophone exige de l’école francophone fasse vivre des expériences en français de manière à renverser le phénomène d’assimilation en contexte minoritaire.
Nous accordons entièrement notre appui au ministre Serge Rousselle et aux responsables des districts scolaires francophones qui exigent le respect de nos droits constitutionnels en renforçant l’application de la loi pour que les enfants francophones puissent voyager dans des autobus scolaires et pour que ces expériences puissent se vivre en français, et ce, pour les raisons mentionnées plus haut.
Jeanne d’Arc Gaudet Ph.D.
Présidente de la SANB