ALLOCUTION : L’immigration francophone comme garant de l’avenir de la nation acadienne au Nouveau-Brunswick
Retranscription de l'allocution du président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, M. Alexandre Cédric Doucet, présentée ce mercredi 6 avril 2022 au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes
L’immigration francophone comme garant de l’avenir de la nation acadienne au Nouveau-Brunswick
Monsieur le président Arseneault, chers membres du Comité, mesdames et messieurs, bonsoir.
Je m’appelle Alexandre Cédric Doucet et je suis le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), l’organisme porte-parole des Acadiennes, des Acadiens et des francophones de la province du Nouveau-Brunswick. Je suis accompagné aujourd’hui par M. Ali Chaisson, directeur général de la SANB.
Mesdames et Messieurs, c’est un honneur de vous adresser la parole aujourd’hui à titre de représentant des 25 000 membres de mon organisme et, par extension, des quelque 235 000 francophones habitant dans la seule province officiellement bilingue au pays.
Je vous remercie sincèrement d’avoir invité la SANB à comparaître devant votre comité en lien avec son étude sur l’immigration francophone au Canada et au Québec. L’immigration est un domaine d’intervention particulièrement important pour la nation acadienne. Au Nouveau-Brunswick en particulier, où le français constitue la langue maternelle d’environ un tiers de la population, les politiques et programmes en matière d’immigration ont un rôle essentiel à jouer dans le maintien du poids démographique de la communauté francophone, une communauté protégée par l’article 16.1 de la Charte.
Il convient de souligner par ailleurs que les gouvernements du Canada et du Nouveau-Brunswick sont ainsi tenus par la Charte d’assurer que leurs politiques et programmes en matière d’immigration ne désavantagent pas une communauté par rapport à une autre et — à tout le moins — qu’ils maintiennent le poids démographique de la communauté minoritaire. Malheureusement, ce dont la nation acadienne est témoin au Nouveau-Brunswick est une réalité plus inquiétante : la communauté francophone du Nouveau-Brunswick n’a pas autant profité de l’immigration que la communauté anglophone. Voilà un autre domaine où le gouvernement fédéral a nui à l’Acadie en la traitant de la même façon que le reste du Canada.
Il va sans dire que les politiques fédérales en matière d’immigration ne peuvent favoriser l’épanouissement des minorités francophones sans tenir compte de la composition linguistique spécifique des provinces. Le Nouveau-Brunswick, avec une population francophone d’environ 32 %, requiert un appui fédéral permanent en matière d’immigration, taillé sur mesure, qui permette le maintien et le développement de cette population. Il en est ainsi, car chaque fois que le pourcentage de nouveaux arrivants francophones est moindre que le pourcentage de francophones habitant la province, l’équilibre linguistique unique au Nouveau-Brunswick est troublé.
À titre d’exemple, la cible du gouvernement fédéral en matière d’immigration francophone hors Québec de 4,4 %, laquelle fut annoncée le 23 mars 2018 dans le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, ne mentionne aucunement la spécificité du Nouveau-Brunswick. Le taux de 4,4 % d’immigration francophone, s’il est appliqué au Nouveau-Brunswick, constitue en réalité un taux assimilateur. D’ailleurs, en 2014, dans son Plan d’action pour favoriser l’immigration francophone au Nouveau-Brunswick, le gouvernement du Nouveau-Brunswick se donnait jusqu’en 2020 pour que le nombre d’immigrants francophones s’installant dans la province respecte sa composition linguistique. Résultat : ayant raté sa cible en 2020, le gouvernement provincial n’a fait que repousser cette dernière jusqu’en 2023.
Avec ceci en tête, nous encourageons fortement le Comité permanent des langues officielles de recommander au gouvernement du Canada de négocier avec le Nouveau-Brunswick un accord qui respecte la spécificité linguistique et constitutionnelle de la seule province bilingue du pays. À cet égard, il doit, notamment, consulter le gouvernement du Nouveau-Brunswick ainsi que les représentants intéressés des communautés linguistiques française et anglaise de cette province, et négocier avec eux l’adoption d’un accord quinquennal sur l’appui à fournir aux institutions d’enseignement et aux institutions culturelles distinctes de ces communautés nécessaires à leur protection et à leur promotion. Cet accord quinquennal devrait porter sur les domaines l’éducation primaire et secondaire, la petite enfance, l’éducation postsecondaire, la santé, et bien sûr, l’immigration.
Au Nouveau-Brunswick, selon les projections établies au moyen du scénario de référence, en 2036, la population francophone se rapprocherait davantage du quart (28,4 %) que du tiers (31,8 %) de la population totale, comme c’est actuellement le cas. Une proportion annuelle de 10 % d’immigration francophone à l’échelle du Canada hors Québec permettrait de ralentir ce déclin au Nouveau-Brunswick et d’atteindre une proportion de 30 % de francophones en 2036.
Ce faisant, au cours des prochaines années, il faudrait que la province puisse profiter d’un quota fédéral minimum d’au moins 15 % sur le pourcentage de la cible en immigrants francophones pour pouvoir maintenir une croissance de sa population acadienne et francophone et donc éviter le déclin. Cette augmentation ne sera pas sans ses défis : qui dit augmentation du nombre d’immigrants francophones dit augmentation des financements en établissement et services d’intégration et renforcement du système d’accompagnement francophone. Davantage de moyens financiers et humains devront être mis en place tout au long de la mise en oeuvre de cette cible pour sensibiliser et informer la population néo-brunswickoise à la diversité, à l’inclusion et au multiculturalisme. En somme, l’augmentation du nombre d’immigrants francophones au sein de la province viendrait maintenir ou faire croître la population francophone. Toutefois, la question de la capacité d’accueil doit être prise en compte dans cette réflexion, car cela aura un gros impact sur le taux de rétention, et des initiatives devront donc être financées afin de répondre à ces défis sociaux pour promouvoir le vivre ensemble. J’en appelle à votre courage et à votre responsabilité en tant que femmes et hommes d’État. Le futur du Canada et de l’Acadie, c’est maintenant qu’il se dessine. Nous sommes véritablement à la croisée des chemins : à vous de décider quelle direction prendra le grand projet canadien, et son itération distincte à l’intérieur de nos communautés linguistiques en situation minoritaire.
Merci.
Alexandre Cédric Doucet, président
Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick
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